Emmanuel Cabut, fils du dessinateur Cabu, est né en avril 1963. Son  père, Jean Cabut dit Cabu, est un dessinateur satyrique et politique  connu qui travaille, entre autres, dans la presse libertaire. Sa mère,  Isabelle, est connue pour son militantisme, en particulier dans le  domaine de l'écologie. Elle est la créatrice du premier magazine  consacré au sujet, La Gueule ouverte. Du point de vue générationnel, il a  tout faux : trop jeune pour changer le monde et même trop jeune pour  participer à la première vague de l’alternatif, il est spectateur de  Bérurier Noir, la Mano Negra, Parabellum ou les Garçons Bouchers… 
 
 En 1968, la famille s'installe à Ozoir-la-Ferrière, pas très loin de  Paris. Mano est élevé dans un milieu très politisé et très intellectuel  et de nombreux artistes connus ou non se croisent chez ses parents.    Pour Mano, l'adolescence rime avec délinquance et drogue. A 15 ans, il  arrête l'école. Il développe par ailleurs des talents artistiques  certains. A 17 ans, il intègre les Chihuahuas, groupe punk-rock, en tant  que guitariste, mais ce n'est pas ce qu'il sait le mieux faire… 
 
 Au cours des années 80, il peint beaucoup et signe ses toiles du  pseudo de Boredom ("ennui" en anglais, hommage aux Sex Pistols). Son  travail est exposé, une fois même outre-Atlantique à New York. Pour  vivre, il devient roadie en 82 au Zenith de Paris. Deux ans plus tard,  il est assistant décorateur. Côté dessin, on lit son nom dans quelques  magazines dont les Nouvelles Littéraires. Il monte aussi un fanzine du  nom de la Marmaille Nue entre 86 et 88.
 
 Il est peintre et vit dans une péniche, à Toulouse, lorsque son  médecin lui annonce au téléphone qu’il est séropositif. A l’époque, la  seule chose que l’on sait vraiment du sida, c’est que l’on en meurt. Il  n’aura pas le temps de dire ce qu’il veut dire en peignant, il sera  chanteur – ça va plus vite. Le jour même, il écrit sa première chanson.  "Et puis, avec une guitare, on fait plus de bruit qu'avec un pinceau."  En fait de bruit, la musique de Mano Solo puise à pleins bras dans  l'héritage français : valses à l'accordéon, guitare douloureuse, voix  éraillée qui chante dans l'urgence. "Je fais de la chanson française  d'aujourd'hui, sur des thèmes d'aujourd'hui. Je n'essaie pas de recréer  la chanson des années 30, mais j'écris avec l'attitude que l'on pouvait  avoir à l'époque." Très influencé et encouragé par son ami le chanteur  Eric Lareine, il se lance dans la chanson. Auteur de nombreux textes, il  devient son meilleur interprète au sein du groupe rock la Marmaille  Nue. C'est sur la scène du théâtre du Tourtour qu'il commence à faire  parler de lui. Sa rage et son franc-parler sont déjà les signes de  reconnaissance de cet artiste dont les chansons véhiculent le mal de  vivre. En 93, la Marmaille Nue splite.
 
 Lorsque Mano Solo sort son premier album le 3 décembre 1993, "la  Marmaille nue", c'est un choc, une explosion de mots douloureux et  violents. Il a 30 ans et lance à la face du public une série de chansons  lourdement chargées d'émotion et de colère. Mais si Mano a maintes  raisons de pousser des coups de gueules, c'est dans la maladie qu'il  puise sa hargne et son désespoir. Mano Solo est séropositif et choisit  de le dire, voire de le crier, parfois avec brutalité. "J'ai eu la  chance d'avoir des parents intelligents qui m'ont donné des références  pour réfléchir, pour créer. Et c'est pour tous ceux qui n'ont pas reçu  ce trésor que j'ai envie de témoigner. J'ai envie de prévenir qu'il n'y a  pas d'un côté les gens qui se sentent bien et de l'autre ceux qui se  sentent mal. On est tous sur le fil du rasoir, on peut tous toucher le  fond." C'est de ce fond-là que Mano Solo chante, d'une manière qui est  sans doute la plus poignante que l’on ait entendue en France depuis des  décennies. Il chante ainsi : "Ils ne savent pas qu'il y a toujours plus  profond que le fond/C'est là qu'on habite/C'est là notre maison."
 
 Le public le suit et le soutient. L'album s'écoule à plus de 100.000  exemplaires. C'est sur scène que s'exprime la poésie à vif de Mano Solo.  L'année 94 se déroule au fil de 80 dates de concert. En février, il  s'installe 10 jours à l'Européen à Paris et retrouve la capitale le 14  novembre avec une soirée sur la scène prestigieuse de l'Olympia. Sur  certaines chaînes de télévision, ses clips passent et repassent. Mano  Solo est l'artiste dont on parle, mais pas toujours pour de bonnes  raisons. Sa maladie fait de lui un personnage emblématique dont les  raisons du succès dépassent la chanson. Et très vite, malheureusement,  les médias ont tendance à réduire Mano Solo à son sida.
 
 En plein été 95, sort un deuxième album, "les Années sombres". Le  spectre de la mort est toujours en première ligne et la combativité  enragée de Mano Solo est intacte. Soutenu par le FAIR (Fonds d'Aide à  l'Initiative Rock), Mano est désormais un artiste connu et reconnu. Les  musiques vont du tango aux rythmes africains en passant par des  rengaines qui fleurent bon les faubourgs parisiens.   Le disque marche  très bien et se vend à 150.000 exemplaires. Plus que jamais, le public  est présent aux côtés de Mano Solo. Mais le 9 octobre 95, ce dernier  leur envoie un message clair et brutal : "J'ai deux nouvelles, une bonne  et une mauvaise. La bonne, c'est que je ne suis plus séropositif. La  mauvaise, c'est que j'ai le sida !" La plaie de Mano est cette fois  béante et le public en est le témoin impuissant mais bouleversé.  Rarement un chanteur aura utilisé aussi lisiblement son art pour  exprimer son malaise et sa douleur. Ce concert est présenté à l'époque  comme des adieux à la scène après deux ans d'un succès fulgurant.
 
 Après cet épisode, Mano retrouve en 96 son bon vieux groupe, les  Chihuahuas pour un album plus politique, plus proche de l'époque punk,  comme en témoigne leur look franchement d'époque, un peu "no future"...  Mais c'est sous le nom des Frères Misère que sort ce disque.  Volontairement, les Frères Misère se veulent un groupe éphémère. Leurs  chansons parlent de chômage, de politique, de galère et de racisme.  C'est un album urgent, radical et politiquement très incorrect.
 
 Avec l'argent de ses disques, Mano Solo monte sa propre maison  d'édition qu'il nomme, bien sûr… la Marmaille Nue. C'est ainsi qu'en 96,  il sort un roman "Joseph sous la pluie", après un recueil de poèmes  paru en 95, "Je suis là".
 
 Finalement, Mano Solo est de retour, en solo, sur la scène musicale le  21 octobre 97 avec l'album "Je ne sais pas trop". L'album a été en  grande partie enregistré sur la scène parisienne de l'Eldorado en juin.  Un ensemble à cordes accompagne le chanteur pour un concert qui mêle  toujours une morbidité omniprésente à une indéniable hargne de vivre.  Tous les dessins de la pochette sont signés, comme d'habitude, Mano  Solo. Les retrouvailles avec le public sont excellentes et Mano passe  trois soirées à l'Olympia en janvier 98, du 15 au 17. A l'automne, Mano  termine une importante tournée française par une série de quatre  concerts à la Mutualité à Paris début décembre. Accompagné de 7  musiciens, il chante ses thèmes de prédilection, l'enfance, la solitude,  l'amour et la mort. Il en profite pour présenter trois inédits,  "Planète seultou", "Tchou Tchou" et "Naître gitan".   "J'ai tellement  parlé de la mort, que j'ai cru la noyer, la submerger de ma vie,  l'emmerder tant et tellement, qu'elle abandonne l'idée même de m'emmener  avec elle." ("C'est plus pareil").
 
 En septembre 2000, Mano Solo revient avec un sixième album "Dehors".  Étonnamment positif, ce nouvel opus renvoie l'image d'un artiste  beaucoup plus serein, débarrassé de la hargne et de la rage qui le  caractérisait jusque là, la presse en faisant souvent les frais. De son  propre aveu, la révélation de sa séropositivité l'avait enfermé dans un  personnage qui lui pesait de plus en plus. D'où ce besoin de se montrer  sous un autre jour. Avec "Dehors", apparaissent des sonorités africaines  et sud-américaines qui donnent aux morceaux un peu de hauteur comme  dans "Il y a sûrement des pays qui valent le coup" titre qui ouvre  l'album. Les thèmes abordés sont souvent les mêmes, amour, mort,  exclusion, etc. mais il y est beaucoup plus question des autres que de  lui-même. Le premier extrait s'intitule "Je taille ma route".
 
 Sa route, il la taille aussi via une tournée qui passe deux jours à  Paris au Cirque d'Hiver les 2 et 3 octobre 2000. Fin 2002, le chanteur  sort "La Marche", un album live enregistré lors de sa tournée 2001 dans  les villes de Clermont-Ferrand et de Toulouse. En y mettant beaucoup  d'énergie, Mano Solo réussit brillamment à faire découvrir l'univers  dans lequel il vit.   Après une année de pause, on le voit, en février  2004, juste pour un soir, aux côtés des Têtes Raides au Bataclan de  Paris.
 
 Le chanteur commence à travailler sur un nouvel album. Quelques titres  prévus à l'origine pour Juliette Gréco, se retrouvent finalement sur  l'opus intitulé "Les Animals" qui sort en septembre 2004. Si Paris reste  le lieu d'encrage de Mano Solo ("Paris avance" ou "Botzaris" avec les  Têtes Raides notamment), d'autres horizons semblent se profiler ("Barrio  Barbes" ou "Savane"). Toujours écorché vif, le nouveau Mano pose  pourtant sa voix de façon plus distanciée que précédemment. Dès le mois  d'octobre, il entreprend une tournée à travers la France.
 
 Cette  tournée très rock'n' roll passe par l'Olympia à Paris, en janvier 2005  (3 dates) et se poursuit jusqu'en juillet à travers la France.  Un peu  usé par un dispositif lourd, de nombreux musiciens sur scène, des salles  de grande capacité et une importante difficulté à modifier les concerts  au gré de ses envies, Mano Solo se retrouve chez lui à Pantin en  banlieue parisienne et recommence à travailler avec le noyau dur de ses  musiciens, l'accordéoniste Régis Gizavo, le guitariste Daniel Jamet et  le pianiste/trompettiste Fabrice Gratien. En petite formation, il  expérimente et surtout, retrouve le plaisir de jouer. 
 
 Toujours  en quête de nouvelles expériences, le voilà qui décide de ne pas  renouveler son contrat avec Warner mais plutôt de produire seul son  nouvel album. A l'automne 2006, une souscription est organisée,  souscription qui permet d'obtenir en avant-première des morceaux, des  clips et d'autres éléments multimédia. Un concert est organisé à  l'Olympia le 18 septembre pour lancer officiellement le projet.  Finalement, le nouvel album "In the garden" est mis en vente en mars  2007. Entre rock et guinguette, accordéon et guitare, tristesse et  espoir, l'esprit punk est toujours présent malgré les années. Avec  Gizavo, Jamet et Gratien, Mano Solo propose une série de titres pensés  aussi pour être joués sur scène en formation réduite, une façon de se  rapprocher de son public. 
 
 Le quatuor tourne de janvier à mars 2008 puis s’attèle à la  composition d’un nouvel album. Celui-ci sort en septembre 2009 et  s’appelle "Rentrer au port". L’accordéon de Régis Gizavo, la guitare de  Daniel Jamet et le piano de Fabrice Gratien s’accordent toujours aussi  bien avec les mots du poète Mano Solo. Lui chante sa vie, sa maladie  incurable, ses amours déchirées, son enfance, l’esprit toujours aussi  punk et l’espoir en bandoulière, malgré tout. Un album empli de  tendresse que le public découvre en live dès le mois d’octobre 2009,  notamment lors d’un concert à l’Olympia le 12 novembre. C’est le dernier  : le lendemain, il est hospitalisé. Il tiendra jusqu’au 10 janvier.  
 
Source : RFImusique
Biographie fournie par : Webmaster ABC-TABS
Dernière modification : 01/08/2011